A la conquête du Fargesia scabrida – Partie 1

L’avion qui nous emmène de Pékin se pose brutalement sur la courte piste de l’aéroport de Guangyuan ce 28 juin 2018. Nous sommes secoués mais rien de grave, le jour commence à peine et ce soir nous devons être dans la réserve de Tangjiahe. Cette réserve naturelle de 40000 hectares au Nord du Sichuan abrite plus de 400 espèces d’animaux, dont 270 espèces d’oiseaux, mais surtout le panda géant ! Et l’idée de dormir dans un petit hôtel dans la montagne et de se dire que partout où l’on regarde il y a peut-être des pandas, ça fait oublier un atterrissage un peu « rock and roll » !
Nous devons prendre un bus, qui devrait nous conduire à Qinxi en quelques heures. Après avoir récupéré nos bagages, nous sommes bruyamment accostés par des chauffeurs de taxis qui nous informent que les bus ne peuvent pas circuler en ce moment en raison des pluies importantes de ces derniers jours et que certaines routes sont coupées. Ce que nous n’avons aucun mal à vérifier car les informations locales ne parlent que de cela. Nous sommes venus ici pour un but bien précis et nous avons rendez-vous le lendemain avec des gardes forestiers, nous ne pouvons pas reculer, malgré un surcoût important nous négocions un trajet de sept heures avec un taxi. Depuis une dizaine d’années, nous avons pris plusieurs dizaines de taxis en Chine et nous avons souvent été surpris par des attitudes que nous n’avons pas l’habitude de voir en Europe, comme des appels téléphoniques incessant sur plusieurs téléphones en même temps, des craintes de voir le chauffeur s’endormir, des marches arrière sur l’autoroute, bref… nous pensions avoir tout vu. Mais non ! Ce sympathique conducteur parlait extrêmement fort et conduisait aussi mal qu’il parlait fort ! Avant de sortir de la ville, il lui fallait faire le plein de son taxi. En Chine, les passagers doivent attendre dans un abri à l’extérieur de la station-service pendant que le taxi ou le bus fait le plein. Pendant cet arrêt nous avons décidé d’organiser un changement de taxi à mi-chemin, ce qui nous ferait « que » 3 heures et demi avec ce pilote d’un style assez rare. Mon enthousiasme n’était entamé en rien et malgré les furieux coups de volant à chaque virage qui amplifiait l’extrême souplesse des amortisseurs, je fixais mon regard sur les pentes abruptes des montagnes bordant la route en essayant d’analyser les changements de végétation et de repérer les bambous au milieu de cette luxuriante verdure.
Pendant cet interminable trajet, j’ai eu le temps de réfléchir à ce que nous venions faire ici. Cela faisait plusieurs mois que j’avais sollicité mon amie Chinoise pour organiser ce périple afin de trouver un bambou en particulier : le Fargesia scabrida.

Pourquoi ce voyage alors qu’il suffit d’aller à Jardiland ou Botanic pour acheter un Fargesia scabrida ‘Asian wonder’ ?
Tout simplement parce qu’il est très clair dans toutes les encyclopédies que ce bambou n’a rien à voir avec celui qui circule en Europe et il fallait le prouver. En étudiant plus précisément les clés de détermination des bambous à rhizomes pachymorphes de cette zone géographique (Nord du Sichuan, Sud du Gansu, Ouest du Shaanxi) , il apparait que les bambous introduits précédemment en Europe ont été confondus et les noms les plus communs que nous avons l’habitude d’utiliser doivent être modifiés ; ou devrais-je dire, nous devons utiliser ces noms, mais pas pour les mêmes bambous.

C’est à ce moment du texte , cher lecteur/rice qu’il faut être concentré car les phrases qui vont suivre vont à l’encontre des habitudes commerciales encore en vigueur aujourd’hui et qui le seront encore certainement. Mais nous, on a du mal à vous proposer un bambou si ce n’est pas son vrai nom, alors nous avons choisi depuis la création de Newfishop de nommer les bambous par leur vrai nom.
Alors le fameux Fargesia scabrida, très largement distribué en Europe avec le nom Asian wonder, est en fait le vrai Fargesia rufa.
Donc, par conséquent, le Fargesia rufa que l’on trouve partout, même en grande surface car il est le plus largement produit par l’industrie de la plante in vitro, n’est pas le vrai Fargesia rufa mais le Fargesia dracocephala. Pour distinguer les deux il y a une astuce très simple que vous pouvez découvrir ici.
Et pour finir, le bambou beaucoup moins souvent proposé sous le nom de Fargesia dracocephala était en fait le véritable Fargesia apicirubens. Tout le monde a suivi ?
Et le Fargesia scabrida, lui, n’a en fait jamais quitté la Chine !
C’est pour le voir et le collecter que nous étions sur les sinueuses routes du Comté de Qingchuan ce jour là avec un chauffeur de taxi hurlant et gesticulant brutalement afin de d’essayer de rendre malade ses passagers.
Une fois le changement de chauffeur effectué, et donc avec la promesse de bénéficier d’une conduite plus normale durant les prochaines heures, nous avons longuement réfléchis à cette confusion qui règne en Europe autour de ces bambous. La solution est peut-être simplement dû au fait que le nom Chinois du Fargesia rufa est Qingchuan zhu, ce qui signifie le bambou du comté de Qingchuan alors qu’il est maintenant beaucoup moins présent que le Fargesia dracocephala que l’on trouve facilement aux plus basses altitudes des réserves naturelles.
Ce ne sont que des hypothèses, peut-être qu’il est aussi plus simple et rassurant de simplifier au maximum et de ne pas trop se tracasser. En tout cas, ce n’est pas notre point de vue et nous sommes bien déterminés ce jour-là à arriver enfin dans la réserve de Tangjiahe pour trouver le Cao hua jian zhu, le bambou aux fleurs rugueuses, le Fargesia scabrida.
Après 12 heures de route, nous arrivions enfin dans un petit hôtel de montagne à dix kilomètres de Qinxi. L’établissement complétement vide à cause des orages très violents qui avaient dévastés la région pendant plus d’une semaine. Seul le propriétaire se chargea de nous recevoir avec l’extrême gentillesse que nous rencontrons souvent dans ce fabuleux pays. Le confort était plus que sommaire, comme souvent dans les petits établissements de montagne, mais le principal n’était pas là… Le plus important, c’est que nous étions dans le pays des pandas géants et du Fargesia scabrida !
Quelques images de ce jour là
LIEU DATE
Petite pause non loin de Qingchuan
A proximité de Qinxi
La végétation luxuriante des vallées du Nord du Sichuan
Arrivée dans notre petit hôtel à une dizaine de kilomètres de Qinxi
L’efficacité à la chinoise pour optimiser les petits espaces
La superbe terrrasse de notre hôtel
La culture des champignons du propriétaire de l’hötel
S’endormir en pensant que l’on est peut-être observé par des pandas géants !